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Marie de l’Estaque

Bonjour, à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits de la femme, Pamiers citoyenne célèbre la femme dans toute sa splendeur.
Tout au long de la semaine, nous vous proposerons une œuvre sur une femme ou produite par une femme.
Voici le premier, le poignant témoignage/hommage d’une fille à sa mère.
Marie naît en 1933 à l’Estaque, quartier populaire de Marseille. Espagnols et Italiens s’y côtoient et partagent leur misère.
Marie a 3 grands frères et comme les petites filles de son époque, elle est la seule à participer aux tâches ménagères, sans machine à laver le linge, avec une cuisinière à bois, etc.
Marie, vit en bord de mer mais elle ne saura jamais nager, ses frères nagent.
Marie aime l’école et s’y tient.
Sans contraception, la famille s’agrandit avec la naissance en 1937 d’une petite sœur et en 1941 d’un petit frère.
Puis à la misère s’ajoute la guerre.  Marie est encore une petite fille quand elle comprend sa violence et découvre la mort d’innocentes camarades. Elle se souvient des bombardements sur le vieux port de Marseille et se revoit courir à l‘abri avec les siens vers les grottes.
Ses parents décident de partir. La maman, qui n’a pas les moyens d’acheter, confectionne elle-même tous les vêtements. Ils doivent tout laisser à Marseille sauf… la machine à coudre.
Ils arrivent à Albi. En pleine guerre, Marie continue à bien travailler à l’école et obtient le certificat d’études, diplôme d’importance en ces temps-là. Néanmoins, il n’est pas envisagé la poursuite d’études pour elle.
Marie rentre dans une maison de couture à la clientèle aisée. Elle y découvre le monde de la création et du chic. Sa voie est tracée.
Sauf que le père décide d’installer sa famille en Ariège. A contrecœur, Marie obéit ; son amertume sera éternelle.
Pas question de se lamenter, il faut avancer. Elle obtient un emploi dans une usine de chaussettes à Saverdun. Equipée d’un vélo d’homme, elle ira au travail depuis la rase campagne sans faillir.
En 1957, elle se marie ; mais elle doit revenir auprès de sa mère pour la soutenir pendant de longs mois d’agonie ; sa mère meurt jeune, d’une vie difficile, rythmée de maternités et aux conditions dures.
L’époux de Marie part dans la foulée au service militaire puis est appelé en Algérie. Dans le tourment, Marie accouchera seule d’une petite fille en 1959. Elle est sans ressources et il n’y a pas d’aides. Elle ne se résigne pas et se lance dans la couture à domicile, son bébé attaché au pied de la table pour pouvoir travailler et subvenir aux besoins.
Marie se bat, comme elle s’est battue et elle se battra toute sa vie.
Elle veut une autre vie pour sa fille et puis son fils.
Elle devient aide-ménagère et gagne une certaine autonomie financière.
Elle veille aux résultats scolaires de ses enfants et les encourage à être indépendants, notamment sa fille.
Marie, petite fille sage et obéissante entrevoit d’autres horizons pour sa fille, et le jour où elle la voit  » monter à la capitale » pour travailler, Marie est heureuse, même si elle s’inquiète.
Marie a réussi. Sa fille a fait une belle carrière, elle est mariée et mère de famille. Quant à sa petite fille, elle mène sa vie de femme libre de ses choix.
La génération de Marie a traversé des périodes sombres de l’Histoire et connu des conditions de vie bien différentes des nôtres. Ces femmes dont le parcours a été jalonné de résignation et de rébellion, d’obéissance et de détermination avaient pour seule ressource la conviction de l’absolue nécessité d’un changement. A leur façon, elles ont fait évoluer la société et la place des femmes dans la société.
MERCI à vous toutes.
Marie était ma maman, elle est partie à l’automne dernier.
MERCI Maman.